Stéphanie Arc, journaliste, auteure et vice-présidente de SOS homophobie en 2008-2009, travaille sur l’image de l’homosexualité féminine dans la société occidentale. Elle a réalisé cet été un film, en collaboration avec l’association, sur ce même thème en interpellant les passants sur cette question “qu’est-ce qu’une lesbienne?”. Yagg a voulu en savoir plus sur sa démarche et ses conclusions.
Comment est née l’idée de cette vidéo?
C’est un projet que j’avais en tête depuis plusieurs années. J’ai publié en 2006 un livre* sur les idées reçues sur les lesbiennes, dans lequel j’avais entre autre listé 16 préjugés récurrents associés aux lesbiennes. Le micro-trottoir était donc la suite logique de ce livre, il permettait de confronter les idées reçues recensées dans mon livre à la réalité, aux réactions des passants, en les interrogeant sur les mêmes thèmes. J’ai pu ainsi constater que les gens me les ressortaient un à un, parfois d’ailleurs pour les regretter, mais ils confirmaient en tout cas que ces clichés existent et qu’ils perdurent. Ma démarche était également motivée par ma curiosité, je me demandais: qu’est-ce qu’il se passe quand on interpelle les gens sur ce sujet, quand on leur demande ce qu’est une lesbienne? Quelle genre de réactions peuvent-ils avoir?
Pourquoi avoir choisi de faire un micro-trottoir plutôt qu’un reportage sur des lesbiennes d’aujourd’hui?
Je ne voulais pas faire un sujet sur la vie des lesbiennes aujourd’hui mais plutôt sur la perception qu’ont les gens de l’homosexualité aujourd’hui.
Quelles ont été les réactions spontanées des gens? Avez-vous eu du mal à recueillir des réactions?
Sur 70 personnes abordées, 35 ont accepté de nous répondre. Nous n’avons eu que très peu de refus motivés par le sujet lui-même, la plupart des refus concernaient plutôt le fait d’être d’être filmé ou le manque de temps. Mais 50% des personnes qui acceptent de répondre, c’est déjà très motivant et cela prouve qu’il y a moins de tabou sur le sujet. Au montage, j’ai ensuite vraiment souhaité que le film rende compte de la diversité des réactions. Les réactions semblent assez soft, mais quelques phrases étaient quand même un peu difficiles à entendre… Ce qu’il m’a semblé intéressant de constater également, c’est que certaines personnes peuvent être très ouvertes sur certains thèmes, tels que le mariage gay, et beaucoup plus fermées et virulentes sur d’autres, notamment sur l’homoparentalité. Quant aux clichés, ils perdurent, sur les “causes” de l’homosexualité par exemple: agressions sexuelles pendant l’enfance, expérience traumatisante avec un homme, éducation des parents, etc.
Quelles conclusions tirez-vous de cette enquête?
Ce qui est sûr c’est que cela reflète tout ce que les gens peuvent penser. On y retrouve à la fois les clichés habituels mais aussi le constat d’une évolution progressive et diffuse des mentalités. Cette expérience était surprenante, la plupart des rencontres étaient plutôt sympas, les gens étaient vraiment coopératifs, même ceux qui avaient les idées les plus hostiles. Bien sûr, les idées reçues perdurent et il y a encore beaucoup de travail à faire de ce côté-là, mais on ne peut pas nier que les choses ont progressé et c’est un constat plutôt encourageant!