- Compte-rendu du colloque « Les recherches genre, un défi au-delà de la parité. Recensement, bilan et perspectives », organisé par la Mission pour la place des femmes au CNRS le 8 mars 2012
« La communauté scientifique qui mène des recherches sur le genre est en expansion, dynamique et répartie sur tout le territoire », s’est réjouie Pascale Bukhari, directrice de la Mission pour la place des femmes au CNRS, à l’issue du colloque « Les recherches genre, un défi au-delà de la parité. Recensement, bilan et perspectives », qui s’est tenu le 8 mars au siège du CNRS. Avant d’ajouter : « Le CNRS y prend toute sa part : à l’initiative de l’Institut des sciences humaines et sociales, quatre postes de recherche “genre” ont été ouverts en 2011, quatre le sont en 2012, et un Groupement d‘intérêt scientifique (1) vient d’être créé. »
Rassemblant chercheuses françaises et étrangères, cette riche journée de colloque a été une nouvelle preuve de l’engagement de l’organisme dans ce domaine. Trois tables rondes ont porté la réflexion sur les thématiques innovantes explorées par les jeunes chercheurs, sur l’émergence du genre dans les sciences naturelles et expérimentales et sur les formes institutionnelles des recherches sur le sujet. Mais ce colloque a aussi été l’occasion de présenter les premiers résultats et analyses du recensement national des recherches sur le genre et/ou les femmes (2). Lancé il y a deux ans par la Mission pour la place des femmes au CNRS, ce recensement a notamment permis la création du premier annuaire en ligne répertoriant 1 000 chercheurs et chercheuses, dans ou hors de l’institution, ainsi que leurs thématiques de travail.
L’objectif premier du recensement ? « Rendre visible les recherches sur le genre, encore peu institutionnalisées en France, dont la communauté est éparpillée et les sujets d’étude divers », explique la sociologue Sibylle Schweier, qui en est la responsable scientifique. Et c’est chose faite. L’enquête a ainsi montré que, au-delà des sites qui conduisent traditionnellement des études sur les femmes (Paris, Lyon et Toulouse, dès les années 1960), « ces recherches se sont étendues à toutes les villes universitaires de France. » Le recensement témoigne aussi du dynamisme de la recherche menée par les jeunes scientifiques. Et ce, alors que peu d’étudiants suivent un master dédié, « puisqu’il n’y a en France qu’une seule formation doctorale sur le genre, à l’université Paris-VIII », a précisé l’historienne Lola Gonzalez-Quijano, du réseau Efigies. Selon la sociologue Rose-Marie Lagrave, il s’opère actuellement un renouvellement des études de genre par la jeune génération « plus tournée vers l’international et plus mixte qu’auparavant, en raison en particulier de l’émergence de nouveaux objets de recherche comme la sexualité, les transitions de genre, les virilités ou encore les théories queer (3). » Le recensement a également révélé qu’aux disciplines pionnières dans ce domaine – l’histoire, la sociologie et l’anthropologie – s’étaient adjointes la littérature, l’économie, l’éthique, les arts, le droit et les sciences politiques, et désormais les sciences de l’ingénieur et la biologie. En neurobiologie, ce type d’approche critique des savoirs s’avère primordiale en ce qu’elle permet de déconstruire les discours sur les différences dites naturelles entre hommes et femmes. Enfin a été soulevée la question cruciale de l’institutionnalisation en marche des études sur le genre : si celle-ci permet leur développement et leur reconnaissance, elle doit aussi veiller à ce que ces études puissent conserver leur approche spécifique, fondamentalement critique et interdisciplinaire.
(1) Celui-ci compte plus de trente partenaires (ENS Lyon, Inserm, Ined…).
(2) Avec la participation de l’Institut des sciences humaines et sociales, de l’Institut des sciences biologiques et des réseaux de recherche sur le genre (Anef, Efigies, Mage et Ring).
(3) Apparues dès la fin des années 1980, ces théories et ces pratiques plurielles déconstruisent le genre et la sexualité.
En ligne https://recherche.genre.cnrs.fr/
Contact :
Mission pour la place des femmes au CNRS
mission-femmes@cnrs-dir.fr
[Article publié dans CNRS-Hebdo, édition du 16 mars 2012 ]